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Analyses/Entretiens
Entretien avec Monsieur Claude Pompière, Président de la CCI de la Martinique Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail


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Claude Pompière, président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de la  Martinique


1/ Vous sentez vous concerné par l’APE?


Bien évidemment nous sommes concernés puisqu’ il s’agit  d’un accord entre l’Europe et les ACP, donc nos voisins de la Caraïbe, qui définira les règles, marquées par l’asymétrie des conditions d’accès,  qui vont rythmer nos relations commerciales notamment. Même si nous sommes l’Europe nous conservons des préoccupations de pays du Sud avec des productions similaires et donc concurrentes.

2/ Quels sont, à votre avis, les trois effets les plus significatifs de l'APE, pour l'économie de la Martinique ?

S’il nous semble difficile d’établir une liste hiérarchisée des effets prévisibles, il nous paraît important de souligner que l’enjeu majeur de cet accord se situera au niveau du secteur des services. Avec des opportunités, car nous détenons en ce domaine un certain nombre de compétences et de savoir-faire, et donc la possibilité d’envisager des partenariats d’entreprises; mais aussi des risques, puisque là aussi l’accès de notre marché sera libéralisé, ce qui devrait impliquer la libre circulation des travailleurs. L’absence de convention fiscale ne met pas nos entreprises tentées par ces partenariats à l’abri des risques de double imposition.

3/ L’APE UE/CARIFORUM est il à votre avis un bon accord pour la Caraïbe, un mauvais accord ou autre ?

Pour la Caraïbe, et en dépit des réserves marquées par les pays concernés qui ne l’ont toujours pas ratifié, il me semble en effet que c’est un bon accord.
Pour ce qui nous concerne, cela paraît moins évident, puisqu’une fois encore il nous prive de réciprocité

Il faudrait que l’on parvienne à en faire, comme l’a suggéré Mme Taubira, dans son rapport, un Accord de Partenariat et de Développement conjoint.

Car, même si nous n’avons pas jusqu’à présent, dans le cadre de Lomé, eu à souffrir d’un envahissement de nos marchés par les productions voisines, il faut sans doute se préparer à une offensive plus grande résultant d’une meilleure structuration de leur économie et de leur secteur de production.

4/ Avez vous des craintes à ce niveau?

Bien entendu. Nos productions sont souvent concurrentes. Nos économies sont encore fragiles et nous ne disposons, quant à nous, ce qui est très frustrant, d’aucune barrière  pour nous préserver de cette éventuelle offensive.

5/Quels sont les principaux produits qui peuvent être menacés par cet accord dans nos relations avec le reste des pays de la Caraïbe ?

Au niveau du secteur de production, le risque existait déjà puisque près de 90 % de la production bénéficiait, préalablement à cet accord, d’un accès libre à notre marché.
Mais le secteur des services, porteur de développement pour nous comme pour nos voisins se trouve maintenant concerné. Il en est de même des conditions d’investissement. Et là, les risques de délocalisation nous paraissent être accrus, en raison des différences de prix de revient.


6/ Comment les chefs d’entreprise réagissent à cet accord ?


Ils sont vigilants et attentifs à ce qui se passe. Ils pourront sans doute, pour certains, être tentés par les opportunités d’investissement qui pourraient se présenter et qui pourraient favoriser le développement de leur entreprise en leur facilitant l’accès aux marchés du CARICOM. Mais de telles initiatives ne seront pas sans conséquences négatives pour l’économie de notre île et l’emploi.

7/ Cet accord peut il améliorer nos échanges commerciaux avec les autres pays de la région ou pourrait il déboucher sur une détérioration des échanges ?


Il sera sans doute ce que nous déciderons d’en faire. Il pourra contribuer à améliorer les échanges si nous nous donnons les moyens de surmonter les difficultés. Au nombre de celles-ci, les obstacles liés aux transports qu’ils concernent les biens ou les personnes. Mais aussi les conditions d’investissements et le cadre fiscal de ceux-ci. Dans le cas contraire, l’on peut en effet craindre une détérioration de la situation.

8/ Les relations entre Europe/Etat/Socioprofessionnels avant cet accord ont elles été bonnes et y a- t- il eu des échanges satisfaisants ?

D’une manière générale, nous développons un partenariat constructif tant avec l’Etat qu’avec la Région Martinique en faveur de la coopération et de l’accompagnement à l’export de nos entreprises. Ceci, dans le cadre de l’Instance appelée « Conférence Régionale Export ». Mais au niveau européen, et concernant cet accord en particulier, l’Europe était en charge directe de la négociation. Les régions n’y ont pas été associées pleinement. Ceci n’a pas empêché le Conseil Régional de conduire un certain nombre d’études sur l’impact prévisible de cet accord et de tenter de peser un tant soit peu sur les négociations. Mais sa capacité d’intervention ne pouvait qu’être limitée.
L’on peut regretter une telle approche et le fait que nous n’ayons pas été plus impliqués, alors que c’est nous qui en subirons les conséquences de plein fouet.

9/ Vous le déplorez ?

Bien entendu, car une approche plus partenariale aurait permis une meilleure prise en compte de nos intérêts et la recherche de complémentarités pour un développement harmonieux de l’ensemble de la région.

10/ Au niveau local, a t il eu une concertation entre les différents secteurs d’activités sur cet APE ?

Tout à fait. Des groupes de travail thématiques ont été mis en place sous la houlette du Conseil Régional qui en a confié l’animation aux organisations professionnelles. Pour ce qui concerne la CCIM, elle a été en charge de l’information et de l’animation du secteur des services : banques, assurances, TIC etc.….

11/ Quels sont les aspects positifs de cet accord, si il y en a ?

Sans doute la sauvegarde des intérêts des  secteurs sensibles comme ceux du sucre et de la banane pour lesquels des moratoires ont pu être institués
Comme l’a suggéré le commissaire Européen Peter Mandelson je suis aussi convaincu que nous ne devrions pas rester sur un aspect défensif mais construire rapidement une stratégie offensive.
Je veux par ailleurs demeurer convaincu que l’apport de correctif sera possible quand nous aurons pris un recul suffisant sur le fonctionnement du dispositif mis en place.

12/ Concernant les échanges entre les trois régions, y a t’il eu des échanges entre les trois CCI ?

Ce sujet a bien entendu fait l’objet d’échanges et de discussions au sein de la Conférence Permanente des Présidents des CCI de l’outre-mer, notamment lors de notre dernière conférence au mois de juin.

14/ Quel est votre point de vue sur le rapport Taubira ?


C’est un travail conséquent, qui a le mérite d’aborder les problèmes de fond, qui sollicite des clarifications et formule un certain nombre de propositions. Celles-ci, au nombre de 13 seront-elles prises en compte ? Il y a sans doute lieu de se poser la question.

D’autant que se sont greffés sur ce débat, les problèmes de pénurie alimentaire rencontrée par certains pays, ce qui doit amener à reconsidérer certaines politiques et notamment celle de la coopération.

15/ Comment expliquer que les pays du CARIFORUM soient les premiers à signer ?

C’est sans doute une région ou les instances de discussion étaient bien structurées et où  un accord était plus facile à trouver.


 
 
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